« Sans moyens humains et financiers et sans volonté politique, la dématérialisation sera toujours synonyme d’exclusion. » À l’heure où le gouvernement travaille sur un décret relatif à l’accessibilité aux personnes handicapées des services de communication au public en ligne, Jérémie Boroy fait part de ses inquiétudes sur la sincérité de la démarche.
Jérémie Boroy est membre du CUNNum, le Conseil national du numérique, et un acteur important de l’accessibilité. Selon lui, l’application en France de la directive européenne sur l’accessibilité numérique, votée en 2016, ne pourra se faire correctement par « manque de volonté politique» et rappelle que la France est parmi les 7 derniers pays européens à achever la transposition de cette directive.
À la question de Sylvain Henry, qui a recueilli les propos pour Acteurs Publics, sur les problèmes du projet de décret, Jérémie Boroy pointe avant tout celui de la mise en place des sanctions prévues par le décret. Selon lui, « ce décret introduit des dispositions qui seront inapplicables ». Il rappelle d’ailleurs que c’était déjà le cas pour la précédente loi de 2005 qui « n’a été accompagnée des décrets d’applications que quatre ans plus tard » et pour laquelle la liste noire prévue des sites non accessibles n’a jamais été créée. « Tout est fait pour montrer qu’on donne de l’importance aux questions d’accessibilité, mais dans les faits, l’intérêt pour le sujet s’arrête à la publication des textes au Journal officiel. »
Avec ces manquements importants en matière d’accessibilité, quid de l’objectif d’arriver à 100% des services dématérialisés en 2022 ? Jérémie Boroy s’inquiète et cite une étude effectuée en 2018 sur 400 sites publics : « moins de 5 % des sites audités ont un niveau de conformité acceptable». Parmi les 95 % de mauvais élèves, on retrouve notamment le site pour la délivrance des passeports ainsi que celui de déclaration des impôts, deux services loin d’être négligeables.
Jérémie Boroy s’interroge également sur l’usage fait des économies réalisées par la dématérialisation, tout en rappelant « qu’en 2017, le handicap était le premier motif de saisine du défenseur des droits (21,8%) ». « Sans moyens humains et financiers et sans volonté politique, la dématérialisation sera toujours synonyme d’exclusion. » Le message est clair : si le gouvernement est sincère dans son désir d’appliquer la directive européenne sur l’accessibilité numérique et de dématérialiser sans exclure, il va falloir « commencer par faire le minimum ».
Retrouvez l’interview complète sur le site d’Acteurs Publics.